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Les aventures

d’abord que le bâtiment avoit donné contre des rochers, & qu’ils s’étoient crus perdus, s’étoient jetés dans la barque, & que par bonheur ils s’étoient sauvés sur les côtes des sauvages. Cette imagination m’excita à demander avec plus d’exactitude ce que ces gens étoient devenus. Il m’assura qu’ils étoient encore là ; qu’ils y avoient demeuré pendant quatre ans, subsistant par les vivres qui leur ont été fournis par sa nation ; & lorsque je lui demandai, pourquoi ils n’avoient pas été mangés, il me répondit : ils firent frère avec eux ; non manger hommes que quand la guerre fait battre. C’est-à-dire, que sa nation avoit fait la paix avec eux, & qu’elle ne mangeoit que les prisonniers de guerre.

Il arriva, assez longtems après, qu’étant au haut d’une colline, du côté de l’est, d’où, comme j’ai dit, on pouvoit découvrir dans un tems serein le continent de l’Afrique, après avoir attentivement regardé de ce côté-là, il parut tout extasié : il se mit à sauter & à gambader. Je lui en demandai le sujet ; il commença à crier de toutes ses forces : O joie ! ô plaisant ! là voit mon pays, là ma nation.

Le sentiment de sa joie étoit répandu sur tout son visage, & je crus lire dans le feu de ses yeux un desir violent de retourner dans sa patrie. Cette découverte me rendit moins tranquille sur son