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de Robinson Crusoé.

air grave et touché : Jeune homme, dit-il, vous ne devez plus retourner sur mer : vous devez prendre ceci pour une marque certaine & visible, qu’il ne faut pas que vous fréquentiez cet élément. Monsieur, lui dis-je, pourquoi cela ? est-ce que vous renoncez à la mer ? Mon cas, répliqua-t-il, est bien différent ; je suis marinier de profession, c’est ma vacation ; il est de mon devoir de la remplir. Au lieu que vous n’avez entrepris ce voyage que pour essayer, & vous voyez quel avant-goût la providence vous a donné de ce à quoi vous vous devez attendre, en cas que vous persistiez ; peut-être êtes vous la cause de tout ce qui nous est arrivé,comme fut autrefois Jonas sur le vaisseau de Tarsis. Car enfin, ajouta-t-il, qui êtes-vous, je vous prie, & pour quel sujet vous étiez-vous embarqué ? Sur cela je lui fis une partie de mon histoire ; mais il m’interrompit sur la fin ; & s’emportant d’une étrange manière, il s’écria : qu’avois-je donc fait, pour mériter d’avoir un tel malheureux ? Non, je ne voudrois pas pour tous les biens du monde monter derechef sur un vaisseau où vous seriez. C’étoit-là, comme j’ai déjà dit, un vrai emportement ; mais où le chagrin de la perte qu’il avoit soufferre avoit beaucoup de part, & où il passoit des limites de son autorité. Quoi qu’il en soit, il me parla ensuite avec beaucoup de gravité ; il m’exhorta à m’en aller chez mon père,