Page:Anonyme ou Collectif - Voyages imaginaires, songes, visions et romans cabalistiques, tome 1.djvu/88

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
83
de Robinson Crusoé.

sent point entendu le coup. À ces signaux, ils calèrent leurs voiles, & ils eurent l’humanité de s’arrêter pour moi, de sorte qu’en près de trois heures de tems je me rendis près d’eux.

Ils me demandèrent, en portugais, en espagnol & en françois, qui j’étois : mais je n’entendois aucune de ces langues. À la fin, un matelot écossois, qui étoit à bord, m’adressa la parole. Je lui répondis que j’étois anglois de nation, & que je m’étois sauvé de l’esclavage des maures de Salé. Alors ils m’invitèrent à bord & m’y reçurent fort généreusement avec tout ce qui m’appartenoit.

On peut bien juger que c’étoit une joie indicible que celle que je ressentis de me voir ainsi délivré d’une condition aussi misérable & aussi désespérée que l’avoit été la mienne. D’abord j’offris tout ce que j’avois au capitaine du vaisseau pour témoignage de ma reconnoissance ; mais il déclara généreusement qu’il ne vouloit rien prendre de moi ; qu’au contraire tout ce que j’avois me seroit dûment délivré au Brésil : car, dit-il en m’apostrophant, lorsque je vous ai sauvé la vie, je n’ai rien fait que ce que je serois bien-aise qu’on me fît à moi-même : & qui sçait si je ne suis point destiné à être réduit un jour à une semblable condition ? Outre qu’après vous avoir mené dans un pays aussi éloigné du vôtre que l’est le Brésil, si je venois