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Voyages

que la cupidité & l’espérance du gain qui puisse les faire goûter. Il est vrai qu’on y hasarde des sommes considérables. Plusieurs y ont fait d’immenses fortunes ; mais aussi plusieurs s’y sont entièrement ruinés. Il y a des maisons qui ne se soutiennent qu’en donnant à jouer ; c’est la ressource de quantité de personnes que le luxe, le jeu & la bonne chère ont ruinées. Chez eux se rassemblent plusieurs filoux, qui forment entr’eux une société : il semble dans bien des maisons que le jeu ennoblisse ; les états y sont confondus ; celui de joueur met tout à l’unisson ; il est en société avec les grands ; c’est un honnête homme ; il joue noblement & les imbécilles que la passion aveugle, ne s’aperçoivent pas qu’il les dupe & brille à leurs dépens. J’allai un jour dans une de ces académies, qui me parut un vrai coupe-gorge : on y jouoit à des jeux qu’ils nomment de hazard. J’en vis qui, de désespoir, avaloient des quarrés d’ivoire, parce qu’ils étoient tombés sur un mauvais point : d’autres se mordoient les doigts, & mangeoient des cartons qu’ils avoient pliés & repliés de plusieurs cornes, jurant & se maudissant de la meilleure foi du monde. J’en remarquai aussi qui, plus fins que les autres, savoient le secret de se rendre la fortune favorable, par des subtilités & des