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Voyages

pour leurs filles : monsieur vouloit que ce fût dans la robe, & madame prétendoit les faire briller à la cour ; ce qui éleva une dispute assez considérable entr’eux, & fut sans doute la cause que l’esprit, pour les mettre d’accord, refusa de se rendre aux conjurations du magicien, qui n’avoit demandé ce délai, que dans l’espoir de trouver quelque moyen de se sauver. Son espérance fut vaine ; il fallut qu’il soutînt la farce jusqu’au bout ; enfin cette nuit, tant desirée de la part d’Oronte, & tant redoutée de celle d’arlequin, arriva. Tout dans le quartier paroissoit calme & tranquille ; tout, jusqu’aux habitans des goutières, goûtoit un parfait repos ; mais mon cher camarade & moi nous étions dans un furieux embarras. Je n’avois cessé de rôder autour de la maison, & cette nuit, sous la peau d’un gros chien noir dont je m’étois entortillé. Je marchois à quatre pattes devant la porte, dans la crainte d’être reconnu, lorsque j’aperçus madame Oronte, qui, plus hardie & plus curieuse que son mari, regardait par la lucarne de son grenier si elle verroit arriver l’esprit, sous quelle forme il paroîtroit, & par quelle voiture il feroit conduire son trésor. Plus de deux heures s’étoient passées à se morfondre, quand elle entendit les cris & les lamentations du magicien : saisie de frayeur,