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Les aventures

les avoit pourvus, encore fort sobrement, parce que ces bonnes gens n’étoient pas en état de les nourrir mieux ; à moins qu’ils n’eussent voulu avoit part à leurs festins de chair humaine.

Les Espagnols me firent encore le récit de tous les moyens qu’ils avoient employés pour civiliser les sauvages, leurs bienfaiteurs, & pour leur donner des sentimens & des coutumes plus raisonnables que ceux qu’ils avoient hérités de leurs ancêtres ; mais tous leurs soins avoient été inutiles. Les sauvages avoient trouvé fort étrange que des gens qui étoient venus là, pour chercher de quoi vivre, voulussent se donner les airs d’instruire ceux qui leur procuroient de quoi subsister ; selon eux, il ne falloit se mêler de donner ses idées aux gens, que quand on pouvoit se passer d’eux.

Les Espagnols avoient été exposés souvent à de terribles extrémités, étant quelquefois absolument sans vivres. L’île où le malheur les avoit portés, étoit habitée par des sauvages indolens, & par conséquent plus pauvres & plus misérables que d’autres peuples de cette même partie du monde. En récompense, ceux-ci étoient moins barbares & moins cruels que ceux qui étoient plus à leur aise.

Mes Espagnols trouvoient pourtant dans la triste situation où ils avoient été, une démons-