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Les aventures

sans que je fusse en état de répondre un mot à son discours ; il remarqua mon désordre, & me regardant d’un air sérieux : Je serois au désespoir, me dit-il, d’avoir lâché la moindre expression qui pût vous offenser. « Effectivement, lui répondis-je, je suis en colère, mais c’est contre moi-même. Je suis confus de n’avoir jamais formé quelqu’idée là-dessus, & de ne savoir pas à quoi pourra servir la notion que vous m’en donnez à présent.

» Vous savez, continuai-je, dans quelles circonstances je me trouve. Le vaisseau, dans lequel je suis, est destiné pour les Indes : il est équipé par des marchands particuliers, & ce seroit une injustice criante de l’arrêter plus long-tems ici, sachant que les provisions que consomme l’équipage, & les gages qu’il tire, jettent les marchands dans des dépenses inutiles. Il est vrai que j’ai accordé de pouvoir demeurer douze jours d’ici, & si j’y demeure plus longtems, de payer trois livres sterling par jour. Il ne m’est permis même d’allonger de cette manière-là mon séjour dans l’île, que de huit jours. Il m’est impossible par conséquent d’entreprendre un dessein si louable, à moin que de souffrir qu’on me laisse de nouveau dans l’île ; & de m’exposer, si le vaisseau réussit mal dans le voyage, à rester ici toute ma vie, à peu