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de Robinson Crusoé.

G. At. Et pourquoi vous troubleriez-vous, monsieur ? des sentimens comme les miens vous doivent être absolument étrangers.

R. Cr. Non, non, Atkins, tout ce rivage, chaque arbre, chaque colline de toute cette île, est un témoin des inquiétudes affreuses que m’a causé le souvenir de l’ingratitude que j’ai eue dans ma première jeunesse, pour les soins d’un père aussi tendre que paroît avoir été le vôtre. J’ai tué mon père aussi-bien que vous, mon pauvre Atkins ; mais je crains fort que votre repentir ne surpasse beaucoup le mien.

J’en aurois dit d’avantage si j’avois été le maître de ma douleur ; le repentir d’Atkins me paroissoit si fort l’emporter sur le mien, que je n’étois plus en état de soutenir cette conversation. Je voyois que cet homme, que j’avois appelé pour lui donner des leçons, m’en donnoit à moi de fort touchantes, auxquelles naturellement je ne devois pas m’attendre.

Le jeune prêtre, à qui je communiquai tout ce discours, en fut fort ému. Eh bien ! me dit-il, ne vous ai-je pas averti d’avance, que, dès que cet homme-là seroit converti, il deviendroit notre prédicateur ? Je vous assure, monsieur, que s’il persévère dans sa repentance, je serai inutile ici, & qu’il fera des chrétiens de tous les habitans de l’île.