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de Robinson Crusoé.

Un vent frais s’étant levé, nous remîmes à la voile, tout le monde étant charmé de s’être tiré de cette affaire, hormis moi, qui étois au désespoir de la perte de Vendredi, & qui aurois souhaité de retourner à l’île pour en tirer quelqu’autre propre à me servir ; mais c’étoit une chose impossible, & il falloit suivre notre route. Notre prisonnier cependant commençoit à comprendre quelques mots anglois, & à s’apprivoiser avec nous. Nous lui demandâmes alors de quel pays il étoit venu avec ses compagnons ; mais il nous fut impossible d’entendre un mot de sa réponse. Il parloit du gosier d’une manière si creuse & si étrange, qu’il ne paroissoit pas seulement former de sons articulés, & nous crûmes tous qu’on pouvoit parfaitement bien parler cette langue-là avec un bâillon dans la bouche. Nous ne pûmes pas remarquer qu’il se servît des dents, des lévres, de la langue, ni du palais : ses paroles ressembloient aux différens tons qui sortent d’un cor de chasse. Il ne laissa pas à quelque-tems de-là d’apprendre un peu d’anglois, & alors il nous fit entendre que la flotte qui nous avoit attaqués, avoit été destinées par leurs rois pour donner une grande bataille. Nous lui demandâmes combien de rois ils avoient donc ? Il dit qu’ils étoient