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Les aventures

faires de la colonie avec le secours du père de Vendredi.

Pour les anglois, ils étoient trop grands seigneurs pour se mêler d’une occupation si basse ; ils ne songeoient qu’à parcourir l’île, à tuer des perroquets, & à tourner des tortues ; & quand le soir ils revenoient au logis, ils trouvoient le souper tout prêt, graces aux soins des espagnols.

Ceux-ci s’en seroient fort consolés, si les autres avoient seulement voulu les laisser en repos ; mais ils n’étoient pas gens à vivre long-tems en paix : ils n’avoient pas la moindre envie de songer au bien de cette petite république, & ils ne vouloient pas souffrir que les autres les déchargeassent de ce soin ; semblables au chien du jardinier qui ne vouloit pas manger lui-même, ni permettre que les autres mangeassent.

Leurs différens, d’abord peu considérables, ne valent pas la peine d’être rapportés ; mais tout d’un coup la scélératesse de mes coquins éclata le plus extraordinairement qu’il est possible d’imaginer. Ils se mirent à faire une guerre ouverte aux espagnols avec toute l’insolence imaginable, d’une manière contraire à la raison, à leurs intérêts, à la justice & même au sens commun, n’ayant pas seulement le moindre prétexte pour pallier la brutalité de leur conduite.