Page:Anonyme ou Collectif - Voyages imaginaires, songes, visions et romans cabalistiques, tome 25.djvu/65

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détournoient de l’étude ; quelquefois elle faisoit des papillottes avec ses écrits ; souvent elle répandoit son encre jusqu’à la dernière goutte. Mais voyant que ses efforts étoient inutiles, cette mégère eut la cruauté de dénoncer mon frère aux magistrats, comme un savant coupable de la plus haute expérience.

Par malheur pour mon frère, il avoit ramassé de toutes parts les événemens les plus considérables des siècles passés ; il avoit copié des pièces de plusieurs auteurs, qu’il avoit arrangées au hasard, sans trop observer l’ordre des temps ni des lieux ; il avoit cousu à cela des dissertations légères sur les différens arts & sur leur origine, & avoit donné le nom de livre à toutes ces pièces rapportées. Quoiqu’il protestât à chaque page qu’il ne savoit rien de la matière dont il alloit parler, les juges, auxquels sa perfide femme le dénonça, lui firent son procès, & il fut condamné à la mort.

Que cet arrêt me paroît injuste ! dit Prenany en interrompant le vieillard. Si la chose est comme vous le dites, on fit mourir votre frère bien légèrement ; mais vous le flattez peut-être, & sans doute il avoit mêlé à ces écrits des réflexions qui marquoient un profond génie, & qui montroient qu’il avoit beaucoup médité sur le cœur humain.