Page:Anthologie contemporaine, Première série, 1887.djvu/14

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jeunesse lui battait dans la poitrine, lui mettait des rires aux lèvres, des flammes dans le regard, et, sur le front, le rayonnement de vivre ! Quand il sortait dans les rues pleines de soleil, il sentait monter à sa gorge de chaudes bouffées de joie. Car, en même temps que jeune, il était heureux, avec emportement, ayant dans son esprit le rêve et l’amour dans son cœur. Artiste, il poursuivait, il allait atteindre, avec la certitude des premières fougues, son idéal hautain ; amant, il connaissait le suprême délice d’être l’époux de celle qu’on adore, et de la voir sourire, la nuit, endormie, la tête dans ses cheveux. Ô fiertés ! ô douceurs ! bientôt toute la gloire, déjà toute la tendresse. La joie et l’espérance activaient éperdument son être ; prodigue de lui-même, prêt à toutes les nobles audaces, loyal comme un serment de vierge, brave comme une épée de héros, il était la jeunesse elle même, épanouie et triomphante !

Mais un jour, — par une curiosité perverse, ou pour griser quelque ennui d’un instant, — il entra, comme Roméo chez l’apothicaire de Mantoue, dans la détestable boutique où l’on vend la pâte verte qui contient la damnation et la mort ; et il y est revenu souvent, très souvent.

II

Ô délicieuse et sinistre drogue ! que tu sois la pâte épaisse, pesante, qui s’agglutine, ou que tu te dérobes, quintessenciée, sous l’argent des pilules, — dawamesk ou haschichine, tu es terrible, Haschich !

Oui, tu es adorable ; oui, tu donnes la langueur exquise