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ANTHOLOGIE NÉO-ROMANTIQUE

Celui qui fit éclore et jaillir, hors des ombres,
Les astres aux bouquets vermeils,
Et passer à travers les immensités sombres
L’âpre rafale des soleils ;

L’évocateur puissant des races disparues,
Le chantre d’un monde détruit,
Qui vit surgir la Terre, à sa voix accourue
Du fond de l’éternelle nuit !

Ton chant fut étouffé sur tes lèvres de flamme ;
Prêtre solitaire interdit,
Tu cherchas vainement à l’écho de ton âme
Un autre cœur qui répondit.

Mais dans ce monde obscur, fier de sa félonie,
Où la vertu marche à tâtons,
Tu prendras le flambeau sublime du génie
Des mains de Gœthe et de Platon.

Et debout sur la foule indifférente et lâche,
Tu lui crieras jusqu’au tombeau :
« Le vent peut bien rugir et souffler sans relâche :
Il n’éteindra pas ce flambeau ! »

Suprême honneur de ceux qui, penchés sur l’abîme,
Éclairent les sombres chemins,
La torche que tu tins si longtemps sur les cimes,
D’autres la prendront de tes mains.

Et tu seras celui que n’atteint pas l’envie
Et que nul ne peut plus ternir,
Sur qui se penchera, studieuse et ravie,
La jeunesse de l’avenir.