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ANTHOLOGIE NÉO-ROMANTIQUE

bizarre d’images, a pris la forme d’un dragon ailé et la Mort et l’Enfer sont devenus l’éther et les nuées où s’est accompli mon voyage chaotique.

Me voilà donc, franchissant à une allure rapide l’épaisseur des ténèbres qu’à intervalles espacés des lignes de feu, brusques comme un déclic, rayaient d’une couleur violette dont la soudaineté faisait courir dans tout mon corps une horripilation douloureuse, immédiatement suivie d’un effroi mortel.

Il y avait un certain temps déjà que j’explorais les nuées, environné d’un silence impressionnant, quand, plus vive, plus éblouissante que les précédentes, une de ces fulgurations éclata : elle provoqua en moi une telle épouvante que mes cheveux se hérissèrent et que mes tempes se contractèrent ; ma gorge se resserra comme pour vouloir ne point laisser s’échapper de ma poitrine le cri de la peur.

Cette situation pénible ne dura que quelques secondes, car la lueur d’un violet si cru, si profond, que ma vue le supportait difficilement, se dégrada progressivement. D’intense qu’il était, le violet prit une teinte très atténuée, très douce, se zébra de lignes puis de taches jaune safran, et devint enfin entièrement jaune. Ce jaune se dégrada à son tour petit à petit et se transforma en une clarté pâle, semblable à ce demi-jour qu’on remarque pendant les jours d’orage, en été, à l’instant où de compacts nuages cotonneux viennent de masquer le soleil.

C’était la fin des ténèbres, c’était la lumière, la