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ANTHOLOGIE NÉO-ROMANTIQUE

enivrement. Un moelleux gazon recouvrait le sol. Tout autour de moi, innombrables, mélangées dans la plus éblouissante asymétrie, des fleurs encore s’offraient à ma vue : les unes rampaient sur le gazon, les autres grimpaient aux arbres, d’autres enfin, plus modestes, se contentaient de sortir de terre pour jeter dans l’herbe verte l’éclat de leurs teintes multicolores. Des fleurs en haut, des fleurs en bas, des fleurs partout. On eût dit que d’un coup de sa baguette magique la nature eût voulu rassembler dans ce lieu tout ce qu’elle peut engendrer de féerique.

Ravi et extasié, je continuai ma route dans ce véritable paradis, presque sans m’apercevoir que je marchais. Brusquement, mon enchantement diminua. Une clarté plus lumineuse descendait du firmament. Je vis alors que les arbres étaient moins nombreux, moins hauts, avec un feuillage moins lourd ; les fleurs, elles aussi, se faisaient plus rares et les effluves parfumés ne m’arrivaient plus que très affaiblis. Le gazon lui-même avait, par endroits, des écorchures qui laissaient voir un sol dur. Plus j’avançais, plus ces lieux perdaient de leur grandeur et de leur beauté, et j’en souffrais. Chacun de mes pas me rapprochait de l’évanouissement total de cette féerie sublime.

J’arrivai, hélas ! à l’extrémité de la forêt. J’en sortis, non sans avoir beaucoup hésité, lame pleine d’une incertitude qui me fît redouter quelque malheur.

Je ne pouvais m’arrêter, je ne pouvais davantage me retourner : une force invincible me poussait