Page:Apollinaire - Histoire de Mlle Brion, dite comtesse de Launay.djvu/160

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

152
HISTOIRE DE Mlle BRION

se justifier : un aveu que le préjugé seul rend houleux chez moi n’a point besoin d’excuse. Un désavantage qu’on retire de la philosophie est d’apprendre à ne point rougir mal à propos.

J’étais servie par un grand domestique, jeune, bien fait et d’une jolie figure, dont l’air distingué démentait en tout l’état et la naissance ; ses attentions, le plaisir qu’il prenait à me servir me faisaient assez voir les impressions que je faisais sur son cœur ; ses petits soins recherchés, ses respects me plurent ; tout, jusqu’à son silence, parlait en sa faveur ; je l’aimai, je voulus me satisfaire et le rendre heureux. Une femme soumise au préjugé, et qui saurait se parer de la théorie du sentiment, aurait bientôt d’un Lafleur fait un amant déguisé.