Page:Apollinaire - L’Enfer de la Bibliothèque nationale.djvu/171

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dessert, dans un moment d’expansion, ils votèrent d’enthousiasme la constitution définitive de leur Société, et décidèrent qu’ils renouvelleraient régulièrement cette fête tous les mois. Ils complétèrent leur cadre, en s’adjoignant plusieurs autres collègues, parmi lesquels il faut citer le moraliste et romancier Duclos, Helvétius, Moncrif, Gentil-Bernard, Rameau et Boucher… Collé tenait un des premiers rangs de cette Société, où l’on cultivait de concert les lettres et la gastronomie, et où la chanson surtout s’épanouissait avec la verve et l’esprit des convives… Nul mieux que Collé ne savait payer son contingent en couplet, et il fut, avec Crébillon fils et Piron, l’âme vivante et joyeuse du Caveau, jusqu’en l’année 1739, où celui-ci fut dissous… Collé, pendant plus de vingt ans, composa pour le Duc d’Orléans et sa Cour son Théâtre de Société, sans compter quelques parades imprimées dans le Théâtre des boulevards. Toutes ces pièces dont quelques-unes passèrent sur des scènes publiques, sont d’une gaieté originale et franche, d’un entrain spirituel et comique…

« C’est surtout comme chansonnier que son nom vit encore aujourd’hui. Collé est pour nous un des premiers représentants de ce genre si français ; il est bien de cette vive race gauloise qui devait produire, après lui, les Désaugiers et les Béranger. Le xviiie siècle, comme on sait, fut l’âge d’or des chansonniers ; on chantait à la ville, on chantait à la Cour, on chantait au Caveau ; abbés, chevaliers, épiciers, Bernis, Boufflers, Gallet, tout le monde s’égayait en joyeux refrains… Malgré la dissolution de son académie chantante, qui, du reste, se reforma en 1759, Collé continua à faire des chansons. Il s’entendait comme pas un à manier cette langue pittoresque et légère que parlaient les épicuriens du Caveau, à assouplir le rythme, à couper le vers d’une manière ingénieuse, à ramener adroitement le refrain, à donner à la pensée un tour vif et piquant, mais il y a dans son recueil des pièces plus qu’érotiques… Il n’était pas dans le caractère de Collé de se faire le pédagogue et le censeur austère des vices de son temps ; il aima mieux s’en faire le peintre… exact, et parfois le spirituel frondeur : ses chansons, comme ses vaudevilles, sont comme de petites médailles où toute l’époque est frappée… »


300. — Chansons nouvelles et gaillardes sur les plus beaux airs de ce temps, mises au jour rue de la Hu-