Page:Apollinaire - L’Hérésiarque et Cie.djvu/194

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est, en effet, si étrange que la vérité paraît incroyable. On a appris par les récits des journaux que Subrac passait pour un original. L’hiver comme l’été, il n’était vêtu que d’une houppelande et n’avait aux pieds que des pantoufles. Il était fort riche, et, comme sa tenue m’étonnait, je lui en demandai un jour la raison :

— C’est pour être plus vite dévêtu, en cas de nécessité, me répondit-il. Au demeurant, on s’accoutume vite à sortir peu vêtu. On se passe fort bien de linge, de bas et de chapeau. Je vis ainsi depuis l’âge de vingt-cinq ans et je n’ai jamais été malade.

Ces paroles, au lieu de m’éclairer, aiguisèrent ma curiosité.

— Pourquoi donc, pensai-je, Honoré Subrac a-t-il besoin de se dévêtir si vite ?

Et je faisais un grand nombre de suppositions…

*
* *

Une nuit que je rentrais chez moi — il pouvait être une heure, une heure un quart — j’entendis mon nom prononcé à voix basse. Il me parut venir de la muraille que je frôlais. Je m’arrêtai désagréablement surpris.

— N’y a-t-il plus personne dans la rue ? reprit la voix. C’est moi, Honoré Subrac.