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LES ONZE MILLE VERGES

Mony, dont le grade était supérieur à celui qui commandait les fouetteurs, voulut prendre leur commandement.

On amena un nouveau coupable. C’était un beau gars tatar ne parlant presque pas le Russe. Le prince le fit mettre complètement nu, puis les soldats le fustigèrent de telle façon que le froid du matin le piquait en même temps que les verges qui le cinglaient.

Il était impassible et ce calme irrita Mony ; il dit un mot à l’oreille de l’officier qui ramena bientôt une serveuse de brasserie, c’était une plantureuse kellnerine dont la croupe et la poitrine remplissaient indécemment l’uniforme qui la sanglait. Cette belle et grosse fille arriva gênée de son costume et marchant à pas de canard.

— Vous êtes indécente, ma fille, lui dit Mony, quand on est une femme comme vous, on ne s’habille pas en homme ; cent coups de verge pour vous l’apprendre.

La malheureuse trembla de tous ses membres, mais, sur un geste de Mony, les soldats la dépouillèrent.