Aller au contenu

Page:Apoukhtine - La Vie ambiguë.djvu/235

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Pendant quatre ans, je voyageai en Europe sans trouver nulle part la tranquillité. La pensée que j’étais, bien qu’indirectement, l’assassin d’Aliocha, me suivait partout.

Au commencement, Hélène Pavlovna m’écrivit, me suppliant de revenir, puis elle m’accabla de reproches. Je ne lui répondis pas. Je crois que si elle s’était présentée à moi avec son sourire énigmatique, je me serais jeté à ses pieds et aurais cru chacune de ses paroles ; mais ces lettres dures, fâchées, ne faisaient que fortifier mes soupçons ; elle n’y a jamais fait allusion ; peut-être jusqu’ici les ignore-t-elle…

Enfin le temps passa. Je rentrai en Russie, m’installai à Pétersbourg, repris du service, m’inscrivis au club. Ce fut le commencement de cette vie oisive, mondaine, où un jour après l’autre passe sans apporter ni joie ni douleur, où l’esprit et la conscience s’assoupissent au bruit monotone des petites rivalités et des petites vanités.

Je ne suis allé qu’une fois à Vassilievka, à la nouvelle d’une grave maladie de ma mère. Je n’y ai plus trouvé Hélène Pavlovna, et j’ai appris que, deux ans après la mort d’Aliocha, elle s’était remariée avec un comte polonais, et que, bientôt après, veuve