Page:Apulée - Les Métamorphoses, Bastien, 1787, II.djvu/109

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de punir son cruel meurtrier, et de se délivrer ensuite d’une vie, qui lui étoit insupportable.

Cependant cet odieux et téméraire amant vient de rechef la fatiguer par les propositions d’un mariage, dont elle étoit bien éloignée ; mais Carite le refusant avec honnêteté, et dissimulant son dessein avec une adresse merveilleuse, répond ainsi à ses prières et à ses empressemens. L’agréable image de mon cher époux (4), que vous regardiez comme votre frère, est encore présente à mes yeux ; l’aimable Tlépolême vit encore dans mon cœur. Ne refusez donc pas d’accorder à sa veuve infortunée le temps qu’il faut pour porter le deuil de sa mort (5), et souffrez que le reste de l’année, destinée à ce devoir légitime, soit écoulé ; ce que je vous demande ne regarde pas seulement la bienséance par rapport à moi, cela regarde aussi votre sûreté, par la crainte que j’ai, qu’en précipitant trop notre hymenée, nous n’irritions avec raison l’ombre terrible de mon époux, et qu’elle n’attente sur vos jours.

L’empressement de Thrasile ne put être modéré par cette considération, ni même par la joie qu’il devoit avoir de la promesse qu’elle lui faisoit de l’épouser au bout de quelque temps. Au contraire, il ne cessa point de la persécuter très-souvent par une infinité de discours pressans, tant qu’enfin Carite feignant de se rendre : il faut du moins, lui dit-elle, Thrasile, que vous m’accordiez une prière, que je