Page:Apulée - Les Métamorphoses, Bastien, 1787, II.djvu/241

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Une certaine nuit qu’il n’y avoit point de lune, et qu’il faisoit extrêmement noir, un bon père de famille, qui étoit d’un bourg du voisinage, s’étant égaré de son chemin, vint à notre jardin fort fatigué, aussi bien que le cheval qui le portoit, et tout percé de la pluie qui tomboit en abondance. Ayant été fort content de la manière honnête dont mon maître l’avoit reçu et lui avoit donné un asile qui n’étoit à la vérité ni commode, ni agréable, mais qui étoit fort utile pour le temps qu’il faisoit ; il voulut lui en marquer sa reconnoissance, et lui promit de lui faire présent de quelques mesures de bled et d’huile de ses terres, et de deux outres de vin. Le jardinier ne fut pas long-temps sans l’aller trouver ; il partit monté à crû sur mon dos, et fit soixante stades de chemin, portant un sac avec lui et des outres vuides. Etant arrivés à la métairie de ce bon homme, il reçut mon maître parfaitement bien, le fit mettre à table avec lui, et lui fit fort bonne chère.

Pendant qu’ils s’excitoient à boire l’un et l’autre, il arriva un prodige bien surprenant. Une des poules, qui étoient dans la cour, se mit à courir en caquetant, comme si elle avoit voulu pondre. Le maître de la maison la regardant : O la bonne servante, dit-il, et féconde par dessus toutes les autres, qui nous nourris depuis si long-temps des œufs, que tu produis chaque jour, et qui même, à ce que je vois, songes encore à nous donner de quoi déjeûner.