Page:Apulée - Les Métamorphoses, Bastien, 1787, II.djvu/293

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Enfin ce bon-homme, par ses cris et ses lamentations, fit tant de pitié, et excita une telle indignation dans l’esprit des juges, et même de tout le peuple, que sans égard aux délais, qui étoient nécessaires pour rendre un jugement dans les formes, et sans attendre qu’une telle accusation fût bien prouvée, et que l’accusé eût donné ses défenses, tout le monde s’écria : Qu’il falloit venger le mal public, en lapidant publiquement le criminel. Mais les magistrats, par la crainte de leur propre danger, et de peur que de ce commencement d’émotion qu’on voyoit parmi le peuple, il n’en arrivât quelque désordre, au préjudice des lois et de la tranquillité publique, se mirent à réprimer le peuple, et à supplier les sénateurs, que la sentence fût prononcée dans toutes les règles, suivant la coutume de leurs ancêtres ; et après l’examen des raisons alléguées de part et d’autre, leur remontrant qu’on ne devoit point condamner un homme sans l’entendre, comme feroient des peuples barbares ou des tyrans, et qu’au milieu de la paix, dont on jouissoit, il ne falloit pas laisser un exemple si affreux à la postérité.

Ce conseil salutaire fut universellement approuvé. Aussi-tôt le crieur public eut ordre de déclarer à haute voix : Que tous les sénateurs eussent à se rassembler au sénat. Lorsqu’ils y furent tous assis, suivant le rang de leurs dignités, l’huissier appella d’abord l’accusateur qui s’avança, puis il cita le criminel