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II

L’OREILLE GAUCHE DE BLANQUET


Je n’étais pas né, vous le voyez, pour faire un homme extraordinaire, et je cultiverais encore, comme mon père et mon grand-père l’ont cultivé, notre champ de la Cigalière, sans un accident qui m’arriva lorsque j’avais deux ans.

C’était vers la fin mars ; après avoir, comme toujours, passé les mois d’hiver dans son moulin d’huile de la Grand’Place, au milieu des jarres et des sacs d’olives, mon père, fermant ses portes une fois le beau temps venu, avait repris les travaux des champs.

Nous partions avec l’aube tous les matins : ma mère, à pied suivant l’usage, me faisait marcher et tirait la chèvre ; mon père allait devant, au trot de Blanquet, jambe de-çà, jambe de-là, le bout de ses souliers traînant par terre, et, porté ainsi par ce petit âne gris, vous l’eussiez dit à cheval sur un gros lièvre.