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PROPOS DE CHASSE

Des gestes expressifs témoignèrent combien un tel soupçon était loin de la pensée de tous, et le brave Gogu, qui n’est pas Marseillais, le sort l’ayant fait naître à Soisy-sur-Yvette, cala sa chaise, sourit dans sa moustache, et continua :

— Donc, ainsi que j’avais l’honneur de vous le dire — mon oncle sentit sous le couteau quelque chose qui résistait. Qu’a-t-il donc dans le ventre, cet animal ?… Il force, le couteau pénètre ; et mon lièvre, s’ouvrant, les reins cassés, laisse échapper, au milieu de la bonne odeur, une, dix, vingt pièces d’or qui couraient, roulaient, se poursuivaient et se cognaient sur la faïence.

— Étonnant, Gogu, ce que vous nous racontez-là !


— Au contraire, rien de plus simple !

J’avais alors douze ans, et ce jour-là j’accompagnais M. le marquis. Brave homme, ce marquis : un peu maniaque, pas mal avare, bref ! tout à fait d’ancien régime. Mes parents étaient ses fermiers. Quand j’eus quitté l’école, il m’éleva aux fonctions de page, me faisant porter son carnier, graisser ses bottes, et me payant en vieux habits.

On le disait très riche, quoiqu’il habitât seul une espèce de tour restée debout par miracle au milieu des plâtras du vieux château. Tous les mois, régulièrement, il allait à la ville pour voir son homme d’affaires et toucher ses fonds. Par exemple personne n’avait jamais vu le marquis rapporter de là ni sac ni bourse. Où diable le marquis fourrait-il son argent ?

Un soir, les fonds touchés, nous nous en revenions