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CONTES DE PARIS ET DE PROVENCE

Malheureusement mon oncle, rendu bavard et familier par la bonne humeur du marquis, ne put s’empêcher de me taquiner à l’apparition du rôti sur la table. Tout en découpant, il recommença ses plaisanteries sur le chêne que j’avais tué. Il raconta mon aventure.

— Comment, sartibois ! tu as tiré ?… Tu as tiré avec mon fusil ? disait le marquis devenu tout pâle.

— Tiré et manqué, monsieur le marquis !

— Ah ! brigand, révolutionnaire ! Mais il y avait vingt-cinq louis, vingt-cinq louis d’or, dans le canon par-dessus la charge !

Voilà : le canon du fusil servait au bonhomme de bourse et de cachette pendant ses voyages. En moins d’une seconde je devinai tout. Je m’expliquai la gifle extraordinaire que m’avait donnée le recul. Je me rappelai que, le coup partant, une grêle d’or m’avait paru s’éparpiller dans le clair de lune. Et, n’espérant pas le pardon d’un tel crime, je regardais déjà du côté de la porte, résolu à laisser mes remords et ma vie au fond du premier étang que je recontrerais.

La voix de mon oncle me retint, mêlée à un cliquetis de louis d’or dégringolant sur de la faïence.

— C’est donc ça que le lièvre était si dur ? Allons, il n’y a pas trop de mal !

Et il ajoutait en riant :

— Appelez-moi mazette, monsieur le marquis, c’est lui décidément qui avait touché le lièvre… Cinq cents francs en louis d’or ? Un joli coup de fusil : les rois n’en tirent pas souvent de pareils.

Effectivement, vous me croirez si vous voulez,