Page:Arène - Contes de Paris et de Provence, 1913.djvu/33

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

LES HARICOTS DE PITALUGUE

I


Pertuis semait ses haricots !

Des hauteurs du Luberon aux graviers de la Durance, ce n’étaient par tout le terroir que gens sans blouse ni veste, qui suaient et travaillaient ; et dans la ville, les bourgeois, assis au frais sous les platanes, disaient en regardant ces points rouges et blancs remuer :

— Si les pluies arrivent à temps, et que la semence se trouve bonne, la France, cette année, ne manquera pas de haricots.

Car Pertuis a cette prétention, quasi justifiée d’ailleurs, de fournir de haricots la France entière.

De tous ces semeurs semant comme des enragés, le plus enragé, sans contredit, était le brave Pitalugue. La guêtre aux mollets, reins sanglés, il s’escrimait de la pioche, tête baissée. Lorsque dans le terrain il ne resta plus caillou ni racine, alors, du revers de l’outil, doucement, il l’aménagea en pente douce pour que l’eau du réservoir pût y courir. Le terrain aménagé, il prit un long cordeau muni à ses deux bouts de chevillettes, planta les chevillettes en terre, tendit la corde et traça, parallèles au front du champ, une, deux, trois, cinq, dix