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LES HARICOTS DE PITALUGUE

ainsi, le front rafraîchi par l’ombre mouvante des arbres, qu’il inventait ses plus subtiles procédures.

Le spectacle doucement rustique de Pitalugue travaillant mit M. Cougourdan en verve :

— Une idée ! si je tirais au clair les comptes de ce Pitalugue !

Et M. Cougourdan constata qu’ayant, l’année d’auparavant, prêté cent francs à Pitalugue, Pitalugue se trouvait à l’heure présente lui devoir juste cent écus.

— Bah ! les haricots me paieront cela ; je ferai saisir à la récolte.

Là-dessus, M. Cougourdan sortit du bois, et se mit à descendre vers le champ de Pitalugue, ne pouvant résister au désir de voir les haricots de plus près.

Au même moment Pitalugue leva la tête et vit venir la Zoun, sa femme, qui lui apportait à goûter. Il rajusta sa culotte, alla se laver les mains à la fontaine, puis s’assit à l’ombre d’une courge élevée en treille devant sa cabane, prêt à manger, le couteau ouvert, et le panier entre les jambes.

— Té ! Zoun, regarde un peu si on ne dirait pas M. Cougourdan.

— Bonjour, la Zoun, bonjour Pitalugue ! nasilla gracieusement l’usurier ; et tout en jetant sur le champ un regard discret et circulaire, il ajouta :

— Pour des haricots bien semés, voilà des haricots bien semés. Pourvu qu’il ne gèle pas dessus.

— Ne craignez rien, la semence est bonne, répondit philosophiquement Pitalugue.

Et, tranquille comme Baptiste, il acheva son pain.