Page:Arène - Friquettes et friquets, 1897.djvu/305

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
291
L’OMNIBUS DE PLAISANCE

ouvriers des Halles, que leurs occupations retiennent la journée durant à Paris.

Pour tous ces braves gens, l’omnibus de Plaisance est un bienfait.

Il était un bienfait pour moi. Je le prenais assez régulièrement matin et soir, instant favorable où l’omnibus se laisse saisir dans l’intimité de sa physionomie, « heure de l’effet » comme disent les paysagistes, dont je ne saurais trop recommander le contraste aux observateurs. Supposez un Corot frissonnant et nacré parmi la joie légère de l’aurore, et puis le même paysage sous un de ces ciels mélancoliques, ensanglantés par le couchant, où se complaisait le génie de Jules Dupré.

Le matin, rassérénées et rajeunies par le bon repos de la nuit, toutes les figures s’animent et vivent. On cause, on parcourt les journaux ; parfois un petit trottin aux yeux noirs, battus, mais contents, sourit silencieuse dans son coin, avec l’air de continuer je ne sais quel aimable rêve.

Le soir, tout ce même monde sommeille sous l’influence bienfaisante, mais doucement tyrannique, du dieu Upnos ; et le conducteur,