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FRIQUETTES ET FRIQUETS

un instant tenir définitivement la fortune.

Figurez-vous qu’en 1893, et même jusque vers le milieu de 1894, la mode se répandit parmi les personnes du bel air de faire célébrer en famille, chaque soir, par un prêtre excommunié, une Messe noire où l’on envoûtait des mandragores et où l’on donnait la communion à des crapauds vêtus de velours vert ou rouge.

En ai-je vendu de ces crapauds ? En ai-je fabriqué de ces mandragores ?

Tout crapaud, d’ailleurs, était bon. Quant aux mandragores, faute de celle, trop difficile à se procurer, qui fleurit la nuit sous les potences, il suffisait de la première racine venue, pourvu qu’elle abondât en chevelue et que son pivot obscène et bifurqué affectât une vague apparence humaine.

Mais, hélas ! tout passe, tout casse, la kabbale comme le reste.

De sorte que me voilà, mage déchu, réduit à trimballer de porte en porte, les recommandant comme tisane, ces racines qui naguère valaient de l’or, une fois transformées, sous mes doigts, en diaboliques figurines !