Page:Arène - La vraie tentation du grand Saint Antoine - contes de Noël, 1880.djvu/84

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
78
les petits pages de musique

donné ainsi pendant toute une saison de neige, lettre qui, hélas, n’est jamais partie et que l’on conserve encore, après plus de deux cents ans, aux archives, parmi d’autres paperasses.


« Ma chère sœur,


Qu’il fait froid ici et que ton Giovannino est malheureux !… Tu te rappelles, au printemps dernier, quand le signor Antonio, mon bon maître, me jugea, malgré mon âge, assez fort en musique et pour la voix ; il se mit à parler de Paris. — Paris est loin, disait-il, mais on chanterait en route… À Paris, la reine est une Médicis. Avec un luth et quelques beaux airs, à Paris, on est sûr de la fortune… Paris, toujours Paris. Et toujours la reine, la cour ! Donc, un beau matin, nous partîmes.

Avec nos instruments de musique et nos livres, nous emportions, en travers sur l’âne, ce grand polichinelle napolitain tout de blanc vêtu et sanglé de cuir, qu’Antonio a lui-même taillé dans le bois et qui nous faisait tant rire l’an passé.

Povero Pulcinella ! il n’a pas eu de bonheur, ni moi non plus d’ailleurs, et le vieil Antonio moins encore.

Tout alla bien les premiers mois, une fois sortis d’Italie. C’était la Provence ! Figure-toi un pays qui ressemble à notre pays : la mer, un beau soleil, des treilles sur des maisons blan-