Page:Arago - Œuvres complètes de François Arago, secrétaire perpétuel de l’académie des sciences, tome 1.djvu/522

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prévu, préparé avec le calme, avec l’habileté la plus consommée, et qui, en réalité, se donna par l’élan spontané des soldats, sans aucun ordre du général en chef auquel l’honneur en est revenu, sans qu’il y fût, sans qu’il le sût.

Pour échapper au reproche banal d’incompétence, j’appellerai quelques hommes de guerre eux-mêmes au secours de la thèse philosophique que je soutiens. On verra combien ils furent appréciateurs enthousiastes, éclairés des travaux intellectuels ; on verra que jamais, dans leur sentiment intime, les œuvres de l’esprit n’occupèrent le second rang. Obligé de me restreindre, j’essaierai de suppléer au nombre et à la nouveauté par l’éclat de la renommée : je citerai Alexandre, Pompée, César, Napoléon !

L’admiration du conquérant macédonien pour Homère est historique. Aristote, sur sa demande, prit le soin de revoir le texte de l’Iliade. Cet exemplaire corrigé devint son livre chéri, et lorsque, au centre de l’Asie, parmi les dépouilles de Darius, un magnifique coffret enrichi d’or, de perles et de pierreries, paraissait exciter la convoitise de ses premiers lieutenants : « Qu’on me le réserve, s’écria le vainqueur d’Arbelles ; j’y enfermerai mon Homère. C’est le meilleur et le plus fidèle conseiller que j’aie en mes affaires militaires. Il est juste, d’ailleurs, que la plus riche production des arts serve à conserver l’ouvrage le plus précieux de l’esprit humain. »

Le sac de Thèbes avait déjà montré, plus clairement encore, le respect et l’admiration sans bornes d’Alexandre pour les lettres. Une seule famille de cette ville populeuse