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MALUS.

placer l’image de notre ami dans l’admirable tableau dont l’art moderne lui est redevable, au lieu de quelques-unes de ces figures de convention qui ne pénétrèrent jamais dans des salles alors encombrées de morts et de mourants.

Le onzième jour, Malus se sentit atteint lui-même de la terrible maladie qui décimait notre armée. À partir de ce moment, je laisserai parler notre ami lui-même ; la science pourra tirer quelque avantage des détails que je vais transcrire :

« Une fièvre ardente et de violents maux de tête me forcèrent de rester en repos ; une dysenterie continue s’y joignit, et peu à peu, tous les symptômes de la peste se déclarèrent. Vers le même temps, le général Crezieux mourut ; la moitié de la garnison avait déjà été frappée ; trente soldats succombaient par jour ; Brinquier, qui m’avait remplacé pour les constructions de l’hôpital, fut atteint le quatrième jour et mourut après quarante-huit heures. À cette époque, mon bubon se déclarait à l’aine droite ; j’avais toujours espéré jusqu’alors que ma maladie n’était pas la peste, le nombre de jours que j’avais vécu depuis la première attaque semblait l’indiquer ; mais dès que le bubon parut et que les maux de cœur redoublèrent, je ne pus plus concevoir aucun doute, et je pris mon parti. J’envoyai alors à Francisqui, qui était près du général Damas blessé, les objets que je voulais laisser à mes proches et à mes amis. Je dois remarquer que Francisqui est le seul parmi mes camarades qui ne m’ait pas abandonné et qui, pour me tranquilliser, n’ait jamais hésité à s’approcher de moi ; le jour de son départ il poussa le dévouement jusqu’à m’embrasser quoi-