Page:Arago - Œuvres complètes de François Arago, secrétaire perpétuel de l’académie des sciences, tome 3.djvu/562

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rai pas, Messieurs ; mes paroles seront modestes comme la mission qui nous était échue ; toutefois, j’ai vu arriver ce moment avec quelque inquiétude, car le temps m’a manqué pour consulter mes honorables collègues et m’éclairer de leurs lumières.

Molière n’est pas une de ces célébrités équivoques que le temps, juge suprême des œuvres de l’esprit, fera descendre tôt ou tard du piédestal où l’entraînement, la passion, le manège des coteries les ont placées. Près de quarante lustres ont déjà passé sur la cendre de l’auteur du Misanthrope, du Tartufe, des Femmes savantes, de l’Avare, et chaque jour a fortifié davantage les appréciations éclairées et profondes des littérateurs, des philosophes, des personnes de toute condition qui, dès l’origine, faisaient leurs délices de la lecture de ces ouvrages.

« Quel est, disait Louis XIV à Boileau, le plus grand écrivain de notre siècle ? — Sire, c’est Molière, repartit le poëte sans hésiter.

La Fontaine témoignait de son estime pour Molière en termes ou la grâce s’unissait à la force, lorsque, très-peu de temps après la mort de son ami, il composait l’épitaphe commençant par ces vers :

Sous ce tombeau gisent Plaute et Térence,
Et cependant le seul Molière y gît.

Voltaire faisait plus encore. Son enthousiasme pour l’auteur du Misanthrope lui donnait la hardiesse de disposer de l’avenir : « Molière s’écriait-il, Molière ! je vous prédis que nous n’en aurons jamais. »