Page:Arago - Œuvres complètes de François Arago, secrétaire perpétuel de l’académie des sciences, tome 3.djvu/626

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et autres, qui n’imposaient en apparence aucun devoir, Dans les idées du jour, Clairaut serait un sinécuriste. Le sinécuriste Clairaut, abandonné au libre cours de ses idées, débarrassé des soins pénibles de l’enseignement, de l’influence amortissante des occupations à heure fixe, a légué à sa patrie, au monde savant, un ouvrage : la Théorie de la figure de la Terre, qui restera comme un modèle d’élégance et de profondeur ; la première solution du fameux problème des trois corps, ou de la détermination des orbites relatives de trois astres qui circulent dans l’espace en obéissant aux lois de la pesanteur ; le premier calcul qui ait effacé définitivement les comètes de la liste des météores qu’on ne voit qu’une fois, pour en faire une catégorie à part de corps célestes, une classe de véritables planètes, mais parcourant des orbites extrêmement allongées.

D’autres exemples semblent-ils nécessaires ? N’est-il pas suffisamment établi qu’une fois tranquilles sur leur vie matérielle et les plus stricts devoirs de famille, les hommes d’élite se livrent aux investigations les plus ardues sans avoir besoin d’être ignominieusement assimilés aux tâcherons des ateliers ? Dois-je faire remarquer encore que le désir de soulever ou de déchirer le voile épais sous lequel les phénomènes naturels naissent et se développent, prend souvent le caractère d’une véritable passion ; que des sentiments d’humanité, l’amour du pays, en deviennent les nobles stimulants ?

Envisageant la chose sous un aspect moins relevé, a-t-on enfin oublié cette définition de la nourrice de d’Alembert : « Un philosophe ! c’est un fou qui se tour-