Page:Arago - Œuvres complètes de François Arago, secrétaire perpétuel de l’académie des sciences, tome 3.djvu/629

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ces résultats du monde moral, dont le vulgaire donne tous les honneurs à une cause mystérieuse, au hasard ?

Connaître, découvrir, communiquer, telle est, au fond, notre honorable destinée. Sans doute, il existe des hommes de haute intelligence, chez qui ces nobles passions sont primées par l’amour des richesses ; mais ces mêmes hommes courraient-ils donc avec moins d’ardeur vers le bonheur imaginaire que la fortune promet, si le sort les avait mis aux prises avec la misère ?

Le désintéressement se rencontre bien plus souvent qu’on ne croit parmi les savants. Ce n’est presque jamais pour en profiter personnellement qu’ils cherchent à amasser une modeste aisance. Mais n’ont-ils pas à songer eux aussi à leurs familles, aux êtres chéris qu’ils laissent en quittant ce monde ? Faut-il les priver de cette douce satisfaction dont les derniers moments d’un de nos plus illustres géomètres m’ont rendu témoin ? Legendre a vu arriver la mort avec le sang-froid le plus remarquable. Il a fait ses dernières dispositions ; il s’est même occupé de tous les détails de son enterrement devant moi et devant la respectable madame Legendre avec une liberté d’esprit dont l’antiquité seule pourrait citer d’aussi beaux exemples. Je crus donc qu’au moment où tout espoir était perdu sans retour, je pouvais, sans inconvenance, entretenir la compagne de mon illustre ami, de son avenir ; je crus pouvoir l’assurer que si elle restait sans fortune, le pays viendrait à son secours ; que l’Académie appuierait de toute son influence les démarches que je ferais avec empressement pour arriver à ce but. Cet entretien, transmis à Legendre, amena la réponse que je vais