Page:Arago - Œuvres complètes de François Arago, secrétaire perpétuel de l’académie des sciences, tome 3.djvu/72

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France pendant la Restauration, comme le plus illustre de nos chimistes. Doit-on s’étonner qu’il se fût persuadé qu’une science, source de gloire et de richesse pour notre pays, ne cesserait pas d’avoir un représentant dans les premiers corps de l’État ? Près de sa fin, Berthollet examina avec l’indépendance, le tact et l’esprit de justice qui sont l’apanage ordinaire d’un mourant, quel serait celui des chimistes vivants à qui devrait revenir cet honneur ; son opinion fut décidément en faveur de son ami et confrère Gay-Lussac, et il la manifesta autant que sa réserve habituelle le lui permettait, en donnant à celui-ci une partie de son futur costume de pair. Voilà ce que signifiait ce cadeau ; sans cette explication, on aurait de la peine à en assigner la cause. Berthollet avait entendu souvent parler, pendant son séjour en Égypte, du langage symbolique des fleurs, fréquemment employé chez les musulmans, langage qui a fait la gloire de plusieurs poëtes orientaux. L’anecdote que je viens de rapporter est, à vrai dire, une extension de ces coutumes poétiques. Le vénérable académicien exprimait par le don d’un objet si peu en harmonie avec les occupations ordinaires de Gay-Lussac, l’estime qu’il faisait de notre ami, et l’inviolable attachement qu’il lui avait voué.

Toutefois, cet acte de justice éclairée ne se réalisa pas aussi promptement qu’on aurait pu l’espérer. « Pourquoi, disaient les amis de Gay-Lussac aux dispensateurs des faveurs royales, pourquoi lui faire si longtemps attendre une récompense laquelle il faudra bien tôt ou tard arriver ? Trouvez-vous son illustration insuffisante ? — Vous nous faites injure, répondait-on. — Avez-vous quelque