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Racontons en quelles circonstances se produit cette mention de poésie bardique.

Patrice était allé de Tara, capitale de l’Irlande, aux frontières de Leinster, dans la localité appelée Domnach Mâr Crîathar ; il y rencontra Dubthach, fils de Ua Lugir. Dubthach était le chef suprême des file d’Irlande ; il croyait la mission de Patrice, et dans une circonstance solennelle, Patrice s’étant rendu au palais du roi suprême d’Irlande à Tara, de tous les grands personnages présents un seul s’était levé pour faire honneur a l’évêque chrétien, c’était Dubthach[1]. Or Patrice, se trouvant a Domnach Mâr Crîathar avec Dubthach, le pria de lui indiquer, en Leinster, un de ses élèves dont on pourrait faire un évêque. « Je voudrais, » dit-il, « un homme libre, de naissance noble, sans difformité physique et de bonne réputation, ni trop petit ni trop grand, qui possède une certaine aisance ; je désire un homme qui n’ait qu’une femme et qu’un enfant. » — « Parmi mes disciples, » répondit Dubthach, « je n’en vois qu’un qui puisse vous convenir : c’est le beau Fiacc de Leinster. Il m’a quitté pour aller en Connaught avec une poésie bardique, un bairtne, pour les rois. »

Dubthach et Patrice parlaient donc de Fiacc. Tout à coup Fiacc, dont ils ignoraient le retour, paraît. Dubthach dit à Patrice : « Fais semblant que tu veux

  1. « Betha Patraice, » chez Whitley Stokes, Three middle irish homilies, p. 24.