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[1re Série, T. Ier ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Introduction.]

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terons, bien persuadé que vous ne les prendrez jamais contre nous.

« Ce ne sera au contraire que pour tirer le roi, notre très-cher neveu, de l’oppression où le régent le tient avec tous ses sujets, par les plus grands abus qui se soient jamais faits de l’autorité confiée.

Ce ne sera que pour procurer l’assemblée des États généraux, qui seuls peuvent remédier aux maux présents, et prévenir ceux dont on n’est que trop visiblement menacé. Nous vous exhortons à seconder nos justes intentions, et à vous unir dans une vue si salutaire au repos public.

« Nous espérons tout de votre zèle pour le roi votre maître, de votre amitié pour nous, et de l’attachement que vous avez à vos lois et à votre patrie ; et sur ce, nous prions Dieu qu’il vous ait, chers et bien-aimés, en sa sainte et digne garde.

« Donné au monastère royal de Saittt-Laureut, le 6 septembre 1718.

« Signé Philippe. »
Réponse que devaient faire les États généraux assemblés, au roi d’Espagne, et plaintes supposées de la France contre le régent.

Outre ce manifeste du roi d’Espagne, qui ne devait avoir de réalité que par l’assemblée des États généraux, on intercepta encore une réponse supposée écrite par ces mêmes états de France à Philippe V, ce qui montre que les projets du roi d’Espagne et des enfants légitimés de Louis XIV étaient concertés entre eux, et que la base du projet consistait dans cette convocation des États. Voici la réponse qu’il était convenu de faire au roi d’Espagne, au nom des États :

« Sire, tous les ordres du royaume de France implorent le secours de Votre Majesté, dans l’état où est réduit le gouvernement présent. Elle n’ignore pas leurs malheurs ; mais elle ne les connaît pas encore dans toute leur étendue.

« Le respect qu’ils ont pour l’autorité royale, dans quelque main qu’elle se trouve et de quelque manière qu’on en use, ne leur permet pas d’envisager d’autre moyen d’en sortir que par les secours qu’ils ont droit d’attendre des bontés de Votre Majesté.

« Cette couronne est le patrimoine de vos pères ; celui qui la porte tient à vous, Sire, par les liens les plus forts, et la nation regarde toujours Votre Majesté comme l’héritier présomptif de la couronne.

« Dans cette vue, elle se flatte de trouver dans votre cœur les mêmes sentiments qu’elle aurait trouvés dans le cœur de feu Monseigneur, qu’elle pleure encore tous les jours ; elle vient exposer à vos yeux tous ses malheurs et implorer votre assistance. La religion a toujours été le plus ferme appui des monarchies. Votre Majesté n’ignore pas le zèle de Louis le Grand pour la conserver dans toute sa pureté. Il semble que le premier soin du duc d’Orléans ait été de se faire honneur de l’irréligion. Cette irréligion l’a plongé dans les excès de licence dont les siècles les plus corrompus n’ont point eu d’exemple, et qui, en lui attirant le mépris et l’indignation des peuples, nous fait craindre à tout moment pour le royaume les châtiments les plus terribles de la vengeance divine. Ce premier pas semble avoir jeté, comme une juste punition, l’esprit d’aveuglement sur toute sa conduite : on forme des traités, on achète des alliances avec les ennemis de la religion, avec les ennemis de Votre Majesté.

« Les enfants qui commencent à ouvrir les yeux en pénètrent les motifs ; il n’en est point qui ne voient que l’on sacrifie le véritable intérêt de la nation à une espérance que l’on ne peut supposer sans crime et qu’on ne peut envisager sans horreur. C’est cependant cette cruelle supposition qui est l’àme de tous les conseils et le premier mobile de ces funestes traités. C’est là ce qui dicte ces arrêts qui renversent toutes les fortunes ; c’est là l’idole où l’on sacrilie le repos de l’État.

« À la lettre, Sire, on ne paye plus que le seul prêt des soldats et les rentes sur la ville, pour des raisons qu’il est aisé de pénétrer. Mais pour les appointements des officiers, de quelque ordre qu’ils soient, pour les pensions acquises aux prix du sang, il n’en est plus question.

« Le public n’a ressenti aucun fruit ni de l’augmentation des monnaies ni de la taxe des gens d’affaires. On exige cependant les mêmes tributs que le roi a exigés pendant le fort des plus longues guerres. Mais dans le temps que le roi tirait d’une main, il répandait de l’autre, et cette circulation faisait subsister les grands et les peuples.

« Aujourd’hui les étrangers, qui savent flatter la passion dominante, consument tout le patrimoine des enfants.

« L’unique compagnie du royaume qui ait la liberté de parler a porté ses remontrances respectueuses au pied du trône. Cette compagnie, dans laquelle on a reconnu le pouvoir de décerner la régence, à qui l’on s’est adressé pour la recevoir, avec laquelle on a stipulé en la recevant de ses mains, à laquelle on a promis publiquement et avec serment que l’on ne voulait être maître que des seules grâces, et que, pour la résolution des affaires, elle serait prise à la pluralité des voix dans le conseil de régence, non-seulement on ne l’écoute pas dans ses plus sages remontrances, mais on exclut des conseils les sujets les plus dignes, d’abord parce qu’ils représentent la vérité, que non-seulement on n’écoute pas, mais la pudeur empêche de répéter à Votre Majesté les termes également honteux et injurieux dans lesquels on a répondu, lorsqu’on a