Page:Archives parlementaires de 1787 à 1860, Première Série, Tome I (2e éd).djvu/30

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elles des principes généraux de liberté qui constituent leur droit public, et veulent que chacune respecte l’indépendance, les propriétés et les droits de l’autre. C’est à la France à donner la première l’exemple de leur religieuse observation. Ce sont ces principes qui, tant que les observèrent les Bataves, préservèrent leur fédération de toute atteinte, et les conduisirent au plus haut point de prospérité.

Les Suisses qui, plus encore qu’eux, n’ont usé de leurs forces que pour secouer le joug et recouvrer leur liberté naturelle, ont trouvé dans cette modération la source de leur bonheur, l’affermissement de leur constitution. Leurs efforts n’ont nui qu’à des tyrans ; ils n’en ont plus. Ce peuple respectable, exempt d’ambition, assez puissant pour se reposer sur lui-même du maintien de sa liberté, et pour substituer la franche probité aux ruses décorées du beau nom de politique, n’étendit jamais au delà de ses projets l’intérêt de son indépendance, et il resta libre : on ne réduit point à l’esclavage celui qui dédaigne le despotisme. Heureux si la disproportion des forces, la rivalité des différents membres de cette belle association, et la diversité de leurs constitutions particulières, les laissent jouir de cette tranquillité durable qui semble ne devoir appartenir qu’aux républiques fondées sur l’unité de gouvernement et l’uniformité des principes !

Plus conséquents dans notre législation que tous ces peuples qui n’ont dû en partie leurs lois et leurs institutions qu’à d’heureux hasards, soyons-le aussi dans notre conduite.

Nous croirons au progrès de l’esprit public lorsque nous verrons les passions fermenter moins, la raison parler des choses, sans prévention pour les personnes ; les hommes moins agglomérés dans des partis ambitieux, moins agités, moins dévorés du besoin de parler et de faire du bruit, prendre une opinion plus réfléchie, et par cela même, plus indépendante ; abandonner, enfin, cette légèreté parisienne qui ambitionnait d’être le caractère national, ce facile engouement si promptement suivi de l’indifférence, du dégoût, de l’aversion, de la fureur des nouveautés, et cette corrosive impatience qui brûle et consume tous les objets sur lesquels se porte sa malfaisante activité.