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[1re Série, T. Ier ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Introduction.]

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dans nos archives, et l’on ne peut s’égarer en prenant pour guide des hommes qui ont eux-mêmes des interprètes aussi fidèles.

« L’usage de convoquer les États généraux est né, dit Savaron, avec la monarchie » ; ce qui fait croire à plusieurs écrivains que les États tenus à Salison, en 422, sous Pharamond, pour la loi salique, étaient des États généraux.

Mais, quelque nom qu’on donne à ces diètes, champ de mars, champ de mai, ou parlement, il est certain que, sous la première race, elles n’étaient composées que de la nohlesse ; et que, sous la seconde ainsi que sous une partie de la troisième, elles n’admettaient que la noblesse et le clergé.

Joachim le Grand, dans un traité sur cette matière, refuse le nom d’États généraux à une assemblée tenue en 1302, sous Philippe le Bel, parce que le tiers état n’y fut pas consulté conjointement avec les deux autres ordres, mais séparément.

Pasquier donne aux États généraux une autre origine que celle des démêlés de Philippe avec le pape, et recule leur institution jusqu’en 1314. On peut le consulter dans les Recherches de la France, liv. II, chap. VII.

Pour se former une juste idée de la tenue des États généraux, des causes et des occasions pour lesquelles on les convoquait, du fruit que le peuple a droit de s’en promettre, pour savoir s’il est utile ou nuisible au roi de les assembler, il ne faut que parcourir la harangue du célèbre chancelier de l’Hôpital, en l’assemblée de 1560.

« On entend par les mots, États généraux, disait-il, l’assemblée de la nation entière, soit par elle-même, soit par ses représentants. Tenir les États, c’est, de la part du souverain, communiquer avec ses sujets, prendre leur avis sur des matières qui touchent à l’ordre public, écouter leurs plaintes pour y appliquer les remèdes convenables. Dans les anciens temps, on donnait à ces assemblées nationales la dénomination de parlements, qu’elles conservent encore en Angleterre et en Écosse.

« Les rois les tenaient, soit en temps de guerre pour demander à leurs sujets des secours extraordinaires d’hommes et d’argent, soit pendant la paix, pour assigner des apanages à leurs frères, pour rétablir la police générale, ou pour réformer quelque abus du gouvernement.

« Personne ne contestera, sans doute, que ces sortes d’assemblées ne soient infiniment utiles au peuple, puisqu’elles lui procurent le précieux avantage d’approcher de son souverain, de lui faire entendre ses doléances, et d’en recevoir tous les soulagements qu’il peut raisonnablement en attendre. On dispute seulement si elles le sont également au roi. Bien des gens prétendent que c’est dégrader sa puissance, avilir sa majesté, que de l’astreindre à prendre conseil de ses sujets, à consulter ceux auxquels il a le droit de commander, et quand il se rend familier avec eux, autant il perd du respect qui lui est dû. Cette façon de voir, je le confesse, m’a toujours paru bien étrange ; et plus j’y réfléchis, moins j’aperçois ce qui peut y avoir donné lieu : car y a-t-il une fonction plus auguste, un acte plus digne d’un roi que celui de présider l’assemblée de ses sujets, d’écouter leurs demandes, et faire droit sur leurs requêtes, si elles lui paraissent fondées ?… C’est presque le seul moyen qu’aient les rois de connaître la vérité qui leur est déguisée par tout ce qui les entoure. Combien de vexations, d’injustices et de rapines se commettent journellement sous le nom du roi, mais à son insu, et dont il ne peut avoir connaissance qu’en tenant les États généraux ! C’est-là qu’il apprendra le tort inappréciable qu’il se fait à lui-même en chargeant le peuple de nouveaux impôts, en vendant les offices, en conférant les premières charges civiles et ecclésiastiques à des hommes scandaleux ; car la plupart des rois sont condamnés à ne voir que par les yeux d’autrui ; et au lieu qu’ils devraient mener les autres, ils sont menés par une douzaine d’hommes qui les approchent. Prétendre qu’un roi, en demandant conseil à ses sujets, et en conversant familièrement avec eux dégrade son autorité, c’est vouloir saper d’un seul coup toutes les ancres sur lesquelles repose le vaisseau de l’État. Car il s’ensuivrait de là qu’on devait supprimer, non-seulement les États généraux, mais le conseil d’État, les parlements, et toutes les cours souveraines qui ont droit de délibérer et de faire des représentations sur les matières de leur compétence.

« Concluons donc hardiment que, ceux qui conseillent au roi de se rendre inaccessible, consultent plus leurs intérêts que ceux du prince et de la nation. Ce sont, ou des hommes présomptueux qui méprisent le reste des humains et se croient seuls en état d’ouvrir de bons avis, ou des sujets pervers qui ne trouvent leur salut que dans les ténèbres. Car, de venir tranquillement nous dire que toute grande assemblée est à craindre ; oui bien, leur répondrais-je, pour un tyran et ses satellites, mais jamais pour un prince légitime, qui doit se regarder comme le père de ses sujets. Il me serait facile, en parcourant les diverses tenues des États généraux dont les procès-verbaux se conservent dans nos archives, de montrer en détail qu’ils ont opéré le salut de l’État, soit en procurant au roi des secours prompts et efficaces dans des moments de détresse, soit en réformant une foule d’abus destructifs, et en donnant naissance à des lois salutaires ou à d’utiles règlements. »

À côté de ce discours superbe, on ne sera point fâché de retrouver celui de Charles de Mariilac, archevêque de Vienne, sur le même sujet.

« Pour démontrer, dit-il, la nécessité des États