Page:Archives parlementaires de 1787 à 1860, Première Série, Tome I (2e éd).djvu/96

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[1re Série, T. Ier ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Introduction.]

« Mais il n’en est pas ainsi de vos principaux comptables, lesquels bâtissent, sans péril, leur fortune à votre suite, et font leurs maisons en l’exercice de leurs charges, et toutefois ne laissent d’employer en leurs comptes, outre leurs gages, des pensions extraordinaires, chacun de douze cents écus.

« Cette dépense de pensions excessives et continuelles contraint aujourd’hui Votre Majesté d’avoir recours à plusieurs moyens extraordinaires, qui chargent tellement votre État, que, si Votre Majesté n’y pourvoit par un bon ordre et règlement, ou votre peuple secouera le joug (ce que Dieu ne veuille permettre !) ou bien il fondra sous le faix de sa pauvreté.

« Prenez donc en main sa cause, s’il vous plaît, Sire, car c’est la vôtre, et tellement la vôtre, que, sans son secours, vos revenus seraient réduits au petit pied, votre royaume, sans forces entretenues pour le garder des entreprises et invasions des princes, vos voisins.

« Bref, comme le cœur est le principe de la vie du corps humain, et le foie la partie qui entretient la masse du sang, dont le corps est substanté ; ainsi votre peuple est la partie de ce corps monarchique qui fournit à son aliment, tandis que vous, Sire, qui en êtes le cœur noble et très-précieux, donnez la vie et le mouvement à toutes les parties de ce tout, qui serait en pièces, voire en poudre, sans ce premier et dernier mouvement qui le maintient.

« Puissiez-vous donc, Sire, par la grâce et bonté divine, vivant longuement, et régnant heureusement en ce monde, rendre votre peuple jouissant de cette félicité, vous révérant et obéissant comme celui qui le couvre (après Dieu) des ailes de sa puissance, à l’ombre desquelles nous autres, vos très-humbles et fidèles officiers, produirons en nos charges des fruits dignes de ce grand et royal pourpris de la justice, laquelle un ancien a dit prendre ses racines et porter ses fleurs et ses odeurs dedans le ciel, non pour un espace d’année, comme les fruits de la terre, mais durant le grand jour de l’éternité. »

« En ce même temps on imprima aussi l’avis suivant :

À Messieurs de l’assemblée des notables.

« Messieurs, la grande allégresse et réjouissance que toute la France a reçue au premier bruit de votre assemblée fait espérer que ses effets lui seront très-salutaires. Le roi enfin a écouté les pleurs et gémissements de son peuple ; et, touché de l’esprit de Dieu, se résout de le soulager. Voici les propres termes de votre convocation.

« Nous protestons devant Dieu vivant, que nous n’avons autre but et intention que son honneur, et le bien et soulagement de nos sujets ; aussi, au nom de lui-même, nous conjurons et obtestons ceux que nous convoquons ; et néanmoins, par la légitime puissance qu’il nous a donnée sur eux, nous leur commandons et très-expressément enjoignons, que, sans autre respect, ni considération quelconque, crainte ou désir de déplaire ou complaire à personne, ils nous donnent, en toute franchise et sincérité, les conseils qu’ils jugeront en leurs consciences les plus salutaires et convenables au bien de la chose publique. »

« Après cela, quelle excuse avez-vous, si vous ne faites bien ? Vous avez un très-grand avantage sur tous ceux qui ont jamais eu l’honneur d’un pareil emploi. Vous avez affaire à un prince absolument porté à suivre vos avis : parmi les grâces que le ciel a versées avec affluence sur son esprit, celle-ci paraît éminemment ; il croit son conseil, et ne se résout qu’avec lui : je le dis hors de tout soupçon de flatterie, il est plein de piété, juste, courageux, ferme et constant en ses résolutions. Voilà pourquoi et vous et ceux qui s’approchent le plus de sa personne, serez-vous comptables devant Dieu et devant les hommes, si son règne n’est pas le plus florissant qui ait été depuis la naissance de cette monarchie. Agissez donc courageusement et en gens de bien ; surtout souvenez-vous que vous n’êtes pas assemblés pour trouver de nouveaux expédients à épreindre, et tirer la dernière goutte de la substance du peuple, mais bien pour le soulager des maux qu’il y a si longtemps qu’il endure.

« Cinq choses l’oppriment grandement : les tailles, les logements des gens de guerre, le sel, les aides et la mangerie des officiers.

« La première est celle à laquelle le roi peut et doit pourvoir promptement en le déchargeant d’une partie, et remettant l’autre sur un expédient que je vous proposerais plausible et utile.

« On vous dira peut-être, comme on fit aux derniers États généraux, que le roi veut avoir son compte, et que le fond dont il jouit présentement ne peut suffire aux dépenses ordinaires, bien loin de diminuer. Mais ne vous arrêtez pas en si beau chemin. Je sais bien que l’épargne est épuisée ; deux choses en sont cause, les dépenses excessives et inutiles, et la volerie de ceux qui manient la bourse.

« Remédiez-y, et puis vous poursuivrez au reste sans contradiction. Commencez par le retranchement de la dépense ; et, à cette proportion, vous diminuerez la recette : examinez l’État. Le premier chapitre, c’est la maison du roi ; vous trouverez qu’elle monte dix fois plus que du temps de ces grands princes : Charles VII, Louis XI, Charles VIII, Louis XII, François Ier. Ils n’en étaient pas moins servis ; leur mémoire n’en est pas moins glorieuse ; et les Français en étaient beaucoup plus soulagés. Aussi, quand il fallait faire un effort, il était aisé d’en trouver les fonds dans la bourse