Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 1.djvu/229

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Dans son récit historique, Gros, fait prisonnier par Jeannot, un des chefs des nègres insurgés, dit que ce Jeannot reprocha la mort d’Ogé à lui et aux autres blancs également prisonniers. Plus loin, il dit : « Je reconnus évidemment que les esclaves avaient été excités à la révolte par les mulâtres, et que ceux-ci l’avaient été par le gouvernement ; que les premiers, pour réussir à soulever tant d’ateliers, avaient été obligés de recourir à des moyens, tels que les ordres du roi, pour le rétablir sur le trône, et les promesses du roi qui leur accordait trois jours par semaine pour récompense de leur zèle. Le motif de religion qui paraissait les animer, lorsqu’ils nous reprochaient la destruction du clergé ; tant de raisons accumulées ne pouvaient qu’être un coup des aristocrates contre-révolutionnaires. » — Ensuite il prétend qu’un mulâtre nommé Aubert lui aurait dit : « Notre caste s’est livrée à des excès, mais elle n’est pas généralement coupable, et parmi les coupables, il en est de plusieurs espèces. Je distingue d’abord les contumaces d’Ogé : pour ceux-là ils le sont étrangement ; ce sont eux qui ont soulevé les ateliers… Quant aux causes primitives de cette révolution, vous ne devez pas douter un instant qu’elles ne partent de France et des gens de la plus haute distinction… Je vis clairement, ajoute Gros, que le gouvernement de Saint-Domingue n’en était pas le moteur direct ni le principe primitif ; mais qu’attentif à tout ce qui se passait au dedans et au dehors de la colonie, ne perdant jamais l’espoir d’une contre-révolution, voulant même la seconder, il avait cru, en se tenant derrière le rideau, jouer le principal rôle dans une pièce devenue si tragique. »