Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 1.djvu/248

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insurgés à outrance, firent pendre et rompre vifs tous les prisonniers qu’ils faisaient. Deux échafauds pour le supplice de la roue, et cinq potences furent dressés en permanence au Cap. Ces malheureux périssaient dès qu’ils tombaient au pouvoir de leurs vainqueurs. Des prisonniers eurent immédiatement la tête tranchée, d’autres furent brûlés vifs. L’assemblée coloniale institua des commissions prévôtales auxquelles elle donna le droit d’employer la torture pour porter les noirs prisonniers à faire des aveux. Celle du Cap en faisait périr vingt et trente chaque jour, dans les premiers momens de l’insurrection.

Si les blancs furent véritablement les premiers instigateurs de la révolte, ils durent être d’autant plus furieux, que ceux dont ils croyaient faire de simples instrumens, allaient au-delà de leurs desseins, en incendiant leurs propriétés et en égorgeant la plupart des blancs qui tombaient entre leurs mains ; car il est à remarquer que, dans cette lutte désespérée, les noirs épargnèrent souvent la vie de leurs prisonniers, tandis que leurs ennemis agissaient tout autrement. Quelques rares prisonniers noirs que les blancs épargnaient étaient marqués sur la joue, d’une étampe à feu portant la lettre R, signifiant révolté.

Sans doute, et nous l’avons déjà dit, des actes barbares, cruels, féroces même, furent aussi commis par les noirs ; et Jeannot, en particulier, surpassa tout ce que l’esprit humain pouvait concevoir de la fureur de la vengeance.

Mais Jeannot fut bientôt fusillé par Jean François, à cause de ses atrocités, tandis qu’aucun blanc ne fut puni pour ses cruautés envers les noirs, tandis que dans le même temps les blancs brûlaient vif le fameux Boukman qu’ils firent prisonnier. Garran, en citant ce dernier