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leur déportation, par suite de l’affaire du 21 novembre dont nous allons parler bientôt, ils eurent recours à une mesure semblable : les assemblées populaires de cette ville armèrent une troupe de plusieurs centaines d’esclaves, qu’ils désignaient sous le nom d’Africains, dont le commandement fut confié à un noir nommé Cayeman, qui les employait au massacre des hommes de couleur[1]. Dans le même temps, les colons du quartier de Tiburon armaient aussi des esclaves, sous la conduite de l’un d’eux nommé Jean Kina, dans le même but. Le quartier de la Grande-Ansé agit de même.


Que Caradeux, Leremboure et tous les blancs du Port-au-Prince aient demandé le sacrifice des suisses, on le conçoit de la part de ces hommes qui vouaient une haine implacable à la race noire. Mais que les chefs de l’armée des affranchis aient consenti à cet acte affreux, c’est ce que la postérité ne peut leur pardonner. En effet, il est inutile de rechercher si, aux camps de Diègue et de Métivier, les suisses sont venus d’eux-mêmes se joindre à l’armée, ou s’ils y ont été

  1. Voyez le 7e volume des Débats, pages 211 et 313. En décembre 1792, un an après la formation des Africains, ces hommes furent placés sous les ordres supérieurs de Philibert, qui, suivant Sonthonax, était ancien prévôt de Jacmel, protégé de Borel. (Voyez le même vol., page 243.) S’il avait été prévôt, il serait donc un blanc. Cependant, dans le 3e vol. du Rapport de ces Débats, p. 309, Garran dit que Philibert était un homme de couleur ; il le répète à la page 342, en disant : « Tel est même le bouleversement d’idées que produisent les dissensions civiles, que l’un de ses principaux agents (de Borel) était un homme de couleur nommé Philibert, qui commandait les Africains enlevés à leurs maîtres pour les enrôler. » S’il est vrai que Philibert fût un homme de couleur, comment aurait-il été prévôt de Jacmel ? Quand Sonthonax a dit cela, les colons ne l’ont pas contredit ; et l’on sait que ni mulâtre, ni nègre ne pouvait être prévôt. Ces Africains ayant été originairement enrôlés pour traquer les hommes de couleur, il est vraisemblable qu’on n’eût pas mis à leur tête un mulâtre.