Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 1.djvu/41

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» L’île de Saint-Domingue est favorable à la population… mais les mariages y sont rares. Les Français laborieux qui viennent y chercher fortune ne se marient presque jamais ; le concubinage ne les attachant aux femmes blanches ou noires que par des liens très-légers, convient mieux à leurs projets ; ils sont moins gênés dans leurs entreprises, ils ont moins de soins à remplir, ils sont débarrassés de toutes ces complaisances, de toutes ces tendres inquiétudes qui, pour les bons maris, deviennent des devoirs ; ils n’ont point à s’occuper de toutes ces bienséances qui entraînent à la fois les dépenses et la perte du temps. S’il se fait quelques mariages, c’est l’intérét qui les conclut. Souvent ils sont bizarres ; de vieux colons épuisés par le libertinage font à de jeunes filles moins riches qu’eux, l’offre d’un cœur blasé, de vieilles femmes que leurs appas ont abandonnées plutôt que leurs désirs, servent de ressources à des adolescens…

» Quand les mariages ont paru d’abord mieux assortis, la paix n’y est guère plus durable ; les femmes galantes rendent toujours les maris jaloux…

» La tyrannie que quelques hommes ont exercée sur la colonie s’est toujours opposée à la population… La crainte de déplaire et le besoin de se concilier un pouvoir qui s’étend sur tout, ont souvent forcé les pères à donner en mariage les filles les plus riches, aux parens, aux amis, aux protégés, aux secrétaires des gouverneurs et des intendans : cependant, rien ne doit être si libre que le mariage, et rien de si respecté que l’autorité des pères…

» Pour encourager la population et retenir dans le pays les particuliers riches, et en état de former ou de soutenir de grandes entreprises, on pourrait réputer