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nérer, sans passer par des vicissitudes effroyables[1] ?


VIII.


Aux notions générales que nous avons exposées sur l’état politique de Saint-Domingue, et qui sont bien propres à faire concevoir que toutes les classes de la population devaient éprouver le désir d’un changement dans la situation des choses ; aux aperçus que nous avons donnés sur la composition, sur les mœurs de cette population en général, sur son chiffre total, joignons les remarques particulières faites dans l’ancien régime, sur

  1. « J’ai à me reprocher une tentative sur cette colonie lors du Consulat. C’était une grande faute que d’avoir voulu la soumettre par la force ; je devais me contenter de la gouverner par l’intermédiaire de Toussaint… » L’Empereur avait d’autant plus à se reprocher cette faute, disait-il, qu’il l’avait vue, et qu’elle était contre son inclination. Il n’avait fait que céder à l’opinion du Conseil d’État et à celle de ses ministres, entraînés par les criailleries des colons, qui formaient à Paris un gros parti, et qui, de plus, ajoutait-il, étaient presque tous royalistes et vendus à la faction anglaise. » (Mémorial de Sainte-Hélène.)

    « Une des plus grandes folies que j’aie faites, a continué l’Empereur, a été d’envoyer cette armée à Saint-Domingue. J’aurais dû ôter pour toujours la possibilité d’y parvenir. Je commis une grande erreur, une grande faute, en ne déclarant pas Saint-Domingue libre, en ne reconnaissant pas le gouvernement des hommes de couleur… Si je l’eusse fait, j’aurais agi d’une manière plus conforme aux principes de ma politique… L’indépendance de Saint-Domingue une fois reconnue, je n’aurais pu y envoyer une armée pendant la paix ; mais lorsque la paix fut signée, les anciens colons, les marchands et les spéculateurs m’aissiégèrent continuellement de leurs demandes ; en un mot, la nation avait la rage de recouvrer Saint-Domingue, et je fus forcé d’y céder. Mais si avant la paix j’eusse reconnu les noirs, je me serais trouvé autorisé par là à refuser de faire aucune tentative pour reprendre cette colonie, puisqu’en cherchant à la recouvrer j’agissais contre mon propre jugement. » (O’Méara, Napoléon dans l’exil.)

    Ces aveux honorent la mémoire de l’Empereur Napoléon 1er : ils font savoir que les colons furent toujours les provocateurs des rigueurs employées contre la race noire.

    De notre côté, nous prouverons que le régime de fer établi par Toussaint Louverture dès la fin de l’année 1800, sous l’inspiration des colons, contribua beaucoup à la conception de l’expédition de 1802.