Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 10.djvu/340

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Laffitte adressa une lettre au Président, par laquelle il lui disait : qu’étant lui-même porteur d’obligations de l’emprunt d’Haïti, il s’était assuré que la grande majorité des prêteurs consentirait à un mode de libération qu’il fit connaître, et qui devait offrir des avantages à la République. Il ajouta : que si le Président voulait affecter annuellement un million de francs pour cette opération et la lui confier, l’emprunt serait promptement éteint[1].

Sans doute, M. J. Laffitte envisageait les intérêts de sa caisse dans cette proposition ; mais s’il pouvait réussir, comme il en donnait l’assurance, le Président devait se confier à lui, qui avait donné tant de preuves de dévouement à la République, en prenant souvent sa défense à la tribune de la Chambre des députés ; et c’est ce qui avait motivé la résolution du gouvernement de consacrer le million de francs au service de l’emprunt, résolution qu’il eût prise, même sans cette proposition. Or, celle-ci, et la combinaison imaginée par M. J. Laffitte, étaient parvenues à la connaissance du ministère français. Comme cet homme honorable était de l’Opposition, qu’il était brouillé avec S. M. Louis-Philippe, en même temps que les plénipotentiaires français étaient chargés de réclamer en faveur des

  1. M. Laffitte proposait de rembourser les 20 mille obligations qui restaient de l’emprunt, intégralement, à 1,000 fr. chacune, sans payer d’intérêts : de cette manière, on eût tiré au sort mille obligations par an, et en vingt ans l’emprunt eût été eteint.

    On a vu qu’en 1833, Boyer lui avait fait rembourser 1,000 obligations intégralement. La République ayant laissé son emprunt en souffrance, ses obligations étaient tombées à 200 ou 250 fr. au plus, à la bourse. Quand parut la loi sur le payement des droits d’importation eu monnaies étrangeres, en 1835, des négocians étrangers proposèrent au Président, de payer une portion de ces droits en obligations de l’emprunt, à 500 fr. chacune, afin de faciliter leur commerce avec Haïti, ce qui serait en même temps un moyen d’amortir ces obligations avec un grand bénéfice, puisqu’elles étaient de 1,000 fr. Boyer y ayant consenti, le trésor en reçut ainsi une notable quantité fournie également par des Haïtiens. C’est pourquoi il n’en restait plus en circulation que 20 mille environ. Mais cette opération encourut le blâme du public en France : on y disait que la République agissait de mauvaise foi, etc.