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de ses troupes, environné d’une foule de brigands ; et avec lui le pillage et la mort. Il demande une ampliation de pouvoirs ; elle lui est accordée ; la vie des citoyens est mise sous sa sauvegarde, et ses satellites dépouillent, égorgent les amis de la France, et les dépositaires de l’autorité du gouvernement sont entourés de cadavres ensanglantés de leurs fidèles défenseurs.

Le brave Édouard, citoyen noir arrivé de France, l’honneur des Africains, l’apôtre et le martyr de la liberté, a succombé sous le fer des assassins soudoyés par Rigaud. Ses vertus, sa contenance héroïque ont forcé à l’admiration jusqu’à ses bourreaux.

Lilladam, jeune citoyen du 4 avril, également arrivé d’Europe, et élevé dans les principes du plus pur républicanisme, a été leur victime. L’antropophage Lefranc l’a déchiré et mis en lambeaux de ses propres mains.

Citoyens, la commission du gouvernement français est loin de voir dans cet enchaînement d’attentats le crime des hommes de couleur. Non, malgré l’astucieuse scélératesse des ordonnateurs de la révolte, le sang qu’ils ont répandu ne retombera pas sur la tête des citoyens du 4 avril. Si l’ambition ou la cupidité en ont aveuglé quelques-uns, c’est un malheur qui est commun avec les blancs, avec les noirs, avec toutes les sociétés nombreuses, mais dont on ne peut accuser ceux qui sont restés fidèles.

Des hommes de toutes les couleurs se trouvent au nombre des chefs de la révolte : des hommes de toutes les couleurs en ont été les instrumens ou les victimes. Les premiers sont très-heureusement en petit nombre, et la commission doit les signaler à la colonie entière, pour prémunir les bons citoyens contre leurs artifices.

Les deux Rigaud, Duval Monville, Salomon, Lefranc et Pinchinat, voilà les chefs de la révolte des Cayes[1] Ce Pinchinat qui, en 1791, a sacrifié 300 noirs à la rage des factieux du Port au-Prince, en stipulant leur déportation à la baie de Honduras, pour prix de leur fidé-

  1. Dans son rapport, J. Raymond prétend que Leblanc voulait mettre hors la loi tout le département du Sud ; que Sonthonax n’était pas éloigné d’adopter les mesures les plus rigoureuses ; que tous deux ne voulaient voir de coupables dans cette affaire, que les hommes de couleur, et que ce fut lui, Raymond, qui les porta à restreindre l’accusation contre les six personnes désignées. Il donnait ainsi une pleine satisfaction à sa haine pour Rigaud et Pinchinat, après avoir calomnié la généralité des hommes de couleur par son adresse. Il dit aussi que c’est Sonthonax qui rédigea cette proclamation.