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que si lui, T. Louverture, avait renvoyé Sonthonax, Rigaud n’avait pas moins contribué à ce fait exorbitant, par sa correspondance et par son mémoire du 18 thermidor où il maltraitait Sonthonax.

D’un autre côté, n’ignorant pas l’ordre facultatif donné à Hédouville à l’égard de Rigaud, en accompagnant ce dernier au Cap, désirait-il que cet agent le mît à exécution, l’espérait-il, pour être débarrassé de son émule qu’il pouvait considérer comme un compétiteur ? Bien que personne ne puisse ni nier ni affirmer une telle disposition de sa part, nous osons croire qu’il ne le désirait pas, par cela que Rigaud se montrait obéissant à ses ordres.

Mais, dans quel esprit ces deux généraux allaient-ils se présenter devant l’agent de la France ?

Le général en chef retournait au Cap, déjà mécontent ; il se voyait supplanté par un militaire renommé qui avait fait ses preuves en Europe, et sous le rapport de la guerre et sous celui de la politique, puisqu’il avait réussi à pacifier la Vendée. Tandis qu’en renvoyant Sonthonax, il avait promis au Directoire exécutif de tout faire pour la prospérité de Saint-Domingue, il voyait ce gouvernement lui enlever la direction des affaires par son agent et le réduire à un rôle subalterne ; sa jalousie contre Hédouville devait donc être aussi grande que son ambition, et cette considération corrobore encore ce que nous venons de dire des traditions du temps.

Quant à Rigaud, sa position était toute différente. S’il avait fulminé contre Sonthonax et ses collègues dans son mémoire, s’il avait gardé entre ses mains les rênes du commandement du Sud, c’était par suite des injustices de l’agence contre lesquelles il avait dû résister. Quoique mis hors la loi par elle et par le Directoire exécutif, quoi-